Armement et expérience du temps de guerre
Les armes
Les armes du fantassin : son fusil
Lors de la guerre de 1812, les miliciens canadiens utilisent un mousquet, habituellement un Brown Bess, muni d'un canon à âme lisse, chargé par la bouche, d'une portée des plus restreintes et d'une précision qui laisse grandement à désirer. Un officier britannique de l'époque décrit ainsi l'efficacité fort relative de cette arme :
Le mousquet du soldat, s'il n'est pas trop mal calibré, ce qui est très souvent le cas, peut toucher un homme à une distance de 80 verges, et même jusqu’à 100 verges. Mais un soldat doit être des plus malchanceux pour être seulement blessé à une distance de 150 verges, et ce, à la condition que son adversaire vise juste. Quant à faire feu sur un homme à une distance de 200 verges, aussi bien viser la lune en espérant l'atteindre.
De plus, le Brown Bess ne permet de tirer que deux coups à la minute, parfois trois s'il est utilisé par un soldat des mieux entraînés.
Un siècle plus tard, lors de la Première Guerre mondiale, le descendant du milicien de 1812 se retrouve sur les champs de bataille européens avec un fusil beaucoup plus facile à charger, d'une précision singulièrement accrue et d'une portée considérablement plus grande. Doté d'un canon à âme rayée, le fusil du fantassin canadien, le Lee-Enfield Short Rifle (S.M.L.E.), peut désormais tirer à une distance de plus de 2 000 verges [1 830 m], et ce, à une cadence moyenne de 10 projectiles à la minute, cadence qui peut même atteindre 15 coups lorsqu'il est manié par un tireur très habile.
En réalité, le S.M.L.EE ne constitue pas une invention en soi, mais résulte plutôt d'une série d'innovations technologiques qui voient le jour surtout durant la seconde moitié du XIXe siècle. Vers le milieu du siècle, la capacité industrielle de rayer les canons permet la généralisation du fusil à âme rayée. Des rayures en spirales taillées à l'intérieur de l'âme du canon communiquent au projectile un mouvement de rotation sur lui-même qui se continue durant toute la trajectoire, lui assurant à la fois une plus grande précision et une plus longue portée. Au début des années 1850, on assiste encore à la mise au point de la cartouche autonome métallique à percussion centrale, contenant à la fois poudre, balle et canon. Cette invention permet à son tour la généralisation du chargement par la culasse au cours des années 1860 : finie l'opération longue et incommode de forcer la balle dans le canon du fusil avec une baguette métallique chassée à coups de maillet. Bientôt, les projectiles adoptent une forme cylindro-conique, ce qui leur donne encore plus d'efficacité.
Parvenu à cette étape de son évolution, le fusil demeure toujours à un seul coup, c'est-à-dire que chaque cartouche doit être introduite manuellement. Mais, durant le dernier quart du siècle, on parvient à augmenter la rapidité du tir grâce à la mise au point d'un nouveau type de verrouillage de la culasse, combinant le chambrage de la cartouche et le système de mise à feu. À la fois simple et résistant, le verrouillage par levier permet le déblocage, l'ouverture, l'extraction et l'éjection de l'étui vide, le chambrage d'une nouvelle cartouche, le verrouillage de l'ensemble et l'armement du percuteur. L'apparition subséquente du chargeur-magasin, contenant plusieurs cartouches introduites successivement dans la culasse par un système de ressort, donne naissance au fusil à répétition commandée. Enfin, au cours des années 1890, le célèbre chimiste suédois Alfred Nobel crée la cordite, une poudre sans fumée contenant de la nitroglycérine, un explosif puissant qui est aussitôt adopté comme propulseur pour les projectiles. Cette invention marque un terme au perfectionnement du fusil utilisé par le troupier pendant la Première Guerre mondiale, un fusil devenu singulièrement plus meurtrier que son « ancêtre » du début du XIXe siècle.
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