D'une guerre mondiale à une autre (1919-1943)

La marine jusqu'en 1942

La marine de corvettes

NCSM Sackville, corvette de la classe 'Flower', Marine royale canadienne

Légende: NCSM Sackville, corvette de la classe 'Flower', Marine royale canadienne

À compter de 1940, les Canadiens se sont mis à construire des corvettes, de petits navires d'une soixantaine de mètres de long, dont les plans sont fondés sur les baleinières britanniques de la fin des années 30. Très remuantes sur la mer, elles ont une vitesse maximale de 16 nœuds, un canon de quatre pouces, un ASPIC (version britannique du SONAR) désuet et une mitrailleuse antiaérienne. Bien que pouvant résister à tous les gros temps de l'Atlantique Nord et tout en étant excellentes pour les manœuvres, les corvettes sont aussi très inconfortables. Qui plus est, la plupart des officiers professionnels sont sur les navires plus importants (destroyers, croiseurs et plus tard porte-avions), se préparant à la guerre à la Nelson désirée par leurs collègues britanniques et laissant le convoyage et les corvettes à la Réserve navale et à la Réserve volontaire navale.

Au fur et à mesure que nos chantiers navals produisent ces corvettes, celles destinées aux équipages canadiens sont lancées dans la bataille avec des volontaires assez verts. On n'a pas le temps, au Canada, de former des groupes solides de navires escorteurs dont les équipages apprendraient à travailler ensemble. Les périodes de repos sont rares. L'équipement, comme les radars, les ASPIC ou les détecteurs des hautes fréquences émises par les radios des sous-marins ennemis, est dépassé, souvent reçu de six mois à un an après que les navires britanniques en eurent été munis. En 1941, il arrive même que des corvettes, n'aient pas de radar. L'enthousiasme évident des volontaires canadiens ne peut combler totalement les lacunes laissées avant-guerre par le manque d'infrastructure industrielle adéquate et d'une marine expérimentée et assez nombreuse pour assumer ses rôles. Au sommet de cette faible charpente règne, depuis 1934, l'amiral Percy W. Nelles, compétent dans son domaine, mais sans inspiration et dépassé par une situation qu'il n'avait pas prévue et à laquelle il ne parvient pas à s'adapter.

Dès l'été 1941, la Force d'escorte de Terre-Neuve nouvellement créée va vivre des expériences traumatisantes. Un de ses grands problèmes est le manque de couverture aérienne en certains endroits du parcours. Le convoi SC-42, parti le 30 août 1941 de Sydney, en Nouvelle-Écosse, pour la Grande-Bretagne, se fait couler 16 navires marchands en plus d'un des escorteurs, les 9 et 10 septembre. Le SC-44 ne perd que quatre navires marchands et une corvette ; le SC-48 est très touché, mais pas autant que le SC-42 ; le SC-52 fait demi-tour et rentre au port par une mer déchaînée.

Puis les choses semblent se tasser dans l'Atlantique, lorsque les sous-marins allemands attaquent en priorité le trafic du sud de l'État de New York. Quand à la fin de l'été et à l'automne 1942, l'intérêt allemand reprend envers l'Atlantique Nord, la situation devient rapidement intenable. Le convoi ON-127, avec 32 navires marchands partis d'Angleterre le 5 septembre 1942 pour le Canada, est escorté par deux destroyers canadiens et trois corvettes dont une britannique, le seul des navires à avoir un radar performant qui ne fonctionne d'ailleurs que par intermittence. Neuf navires marchands sont coulés, plus le destroyer Ottawa qui perd 114 membres d'équipage. Le 30 octobre, le SC-107 part du Canada vers la Grande-Bretagne et perd 15 navires marchands. Dans ces deux cas, aucun sous-marin ennemi n'a été détruit. Britanniques et Américains s'interrogent sur l'efficacité des escorteurs canadiens lorsqu'ils sont au centre de l'Atlantique. Entre les 26 et 28 décembre 1942, l'ONS-154, vers le Canada, perd 14 navires marchands plus un navire de guerre britannique. Cette fois, les escorteurs munis de radars récents et de bons détecteurs de hautes fréquences (HF/DF), même si le personnel n'a aucune expérience de leur utilisation, ont pu couler un sous-marin allemand.