La cristallisation des enjeux

Le Canada et le lien impérial

La contribution du Canada à l'Empire

Face à la montée de l'Allemagne en Europe, l'Angleterre est amenée a concentrer plus d'efforts autour du centre de son Empire. Les défaites initiales qu'elle a subies en Afrique du Sud ont ramené à de plus justes proportions l'admiration que lui vouaient ses colonies. Il y a eu des réformes à Londres comme ailleurs aux confins de l'Empire. On rappelle la marine britannique dans les eaux européennes et le Canada accepte de prendre à sa charge la défense d'Halifax (1er juillet 1905). Il fait de même pour Esquimalt en 1906, ne serait-ce que pour assurer les approvisionnements de la Royal Navy lorsqu'elle se déplace. Halifax devient canadienne dès 1906, alors qu'Esquimalt ne le sera qu'en 1910. Les décrets du Cabinet britannique autorisant officiellement ce transfert d'autorité ne seront signés qu'en octobre 1910 et en mai 1911.

Malgré l'augmentation de la solde de base de 40 ¢ à 50 ¢ par jour, les Canadiens sont peu portés à s'enrôler dans la force élargie à 4 000 hommes. Au début, plusieurs des Britanniques ayant terminé leur contrat au Canada feront partie des nouvelles troupes de garnisons canadiennes d'Halifax et d'Esquimalt, mais leur nombre est inférieur aux besoins. En 1908, seulement 2 730 des 4 000 postes de l'armée permanente sont remplis.

Plus que jamais, la Grande-Bretagne a besoin d'alliés. L'entente cordiale avec la France est un exemple de ce qu'elle recherche pour faire face à l'Allemagne. Un rapprochement sensible avec les colonies est aussi au programme. En 1902, lors de la Conférence coloniale de Londres, Joseph Chamberlain demande aux dominions d'assigner une partie de leurs troupes à une réserve impériale spéciale qui serait placée sous les ordres du gouvernement anglais pour servir n'importe où dans le monde. Le Canada, comme l'Australie, refuse d'être dessaisi de son autorité. Peu diplomates, les Britanniques reprochent au Canada la faiblesse de sa défense et de sa participation à l'effort commun.

Ce refus n'empêchera pas l'Angleterre de revenir à la charge, cinq ans plus tard, avec une idée différente qui, avec un gouvernement libéral moins centralisateur et sans Chamberlain dans la politique coloniale, cherche à uniformiser, autant que possible, les forces armées de l'Empire sur lesquelles régnerait un état-major général impérial. Il n'y aurait, cependant, qu'une seule marine sous un commandement unique et l'uniformisation proprement dite viserait précisément l'entraînement, l'organisation, l'équipement, l'approvisionnement et les munitions.

Les gouvernements présents à cette conférence de 1907 adoptent une résolution peu engageante, favorisant la création de l'état-major impérial qui, sans se mêler des questions nationales, conseillera les gouvernements de l'Empire « qui le demandent, en matière de formation, d'instruction et d'organisation pour la guerre des forces militaires de la Couronne 48 ». Cet organisme recueillera les renseignements qu'il rediffusera aux divers gouvernements en plus de préparer les plans de défense fondés sur un principe commun. Le chef de l'état-major impérial, à Londres, dirigera l'état-major central. Ce début d'alliance formelle à l'intérieur de l'Empire ressemble de près aux engagements que prendra le Canada, à compter de 1950, au sein de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord.