Les Compagnies franches de la Marine du Canada

Les miliciens au combat

Les miliciens canadiens aiment les embuscades. Alors que leurs semblables, en Nouvelle-Angleterre, s'exercent aux manœuvres compliquées des batailles rangées à l'européenne, eux n'en tiennent aucun compte. Un milicien américain, prisonnier à Québec, avoue n'avoir jamais vu de milices « si ignorantes des usages militaires » 62. On s'y demande, s'indigne-t-il, s'il faut mettre le fusil sur l'épaule droite ou gauche... Manifestement, les Canadiens n'ont jamais reçu d'entraînement de ce genre. Le fait est qu'ils trouvent les batailles à l'européenne inutilement dangereuses. Ils ne se battent bien « que dans le retranchement » 63, dira d'eux le gouverneur général Vaudreuil. À l'attaque, ils surgissent de nulle part, tirent une salve sur leurs opposants et se ruent sur eux, hachette à la main, en poussant des cris de guerre à l'amérindienne, hurlements qui servent de signal pour la charge et « à effrayer l'ennemi qu'on surprend », et sur qui on fonce sans lui laisser le temps de se ressaisir.

Certes, les miliciens canadiens subissent des revers à l'occasion, mais si peu que, confiants dans leur bravoure, ils se croient quasiment invincibles. Par ailleurs, la guerre de raids telle qu'ils la pratiquent est tellement dure que peu d'hommes parviennent à la mener. Il arrive qu'ils soient à ce point épuisés et affamés, au retour d'un parti de guerre, que certains se laisseraient mourir au pied d'un arbre si les autres ne les forçaient à suivre. « Quand ils arrivent, ils sont méconnaissables et ils ont besoin de beaucoup de temps pour pouvoir se remettre » 64.