Les Compagnies franches de la Marine du Canada
Les armes des miliciens
On ne donnait pas de fusils aux miliciens, car, en principe, chacun possédait le sien. Cependant, les gouverneurs ne cessèrent de se plaindre que les habitants en manquaient. Dès 1684, on est obligé de leur en prêter. Quelque 60 ans plus tard, en 1747, on en est encore au même point : environ le tiers des miliciens n'ont pas de fusils, signalent dans un rapport le gouverneur général et l'intendant. Curieux, tout de même, quand on songe que les Canadiens ont la réputation d'être d'excellents tireurs... L'homme de science scandinave Pehr Kalm, qui visite le Canada en 1749, ne consigne-t-il pas dans ses notes « que tous les gens nés au Canada sont les meilleurs tireurs qui peuvent exister et ratent rarement leur coup » ? Il n'y a « aucun d'entre eux qui ne soit capable de tirer remarquablement, ni qui ne possède un fusil » 61, remarque-t-il.
Cette apparente contradiction peut s'expliquer de deux façons. D'une part, les miliciens des villes sont certainement moins susceptibles que ceux des campagnes d'être ainsi armés. À Québec, par exemple, au XVIIIe siècle, le gibier est devenu rare aux alentours de la ville et un miliciable sur quatre ou cinq n'a pas d'arme à feu tout simplement parce qu'il n'en a pas besoin. D'autre part, il se joue certainement un petit jeu de cachette entre les Canadiens et les autorités. Un fusil coûte cher. Afin d'en obtenir un neuf sans avoir à débourser quoi que ce soit, on peut cacher le vieux ou alors se présenter pour le service avec un fusil « si mauvais » que les autorités sont bien obligées d'en remettre un nouveau au porteur, en bon état. Celles-ci font preuve, d'ailleurs, d'une certaine connivence à ce sujet. Elles savent que beaucoup n'en ont pas parce qu'ils l'ont échangé contre des fourrures, coutume contre laquelle elles s'élèvent. Cependant, mises à part les traditionnelles récriminations des fonctionnaires comptables, les gouverneurs généraux ne sont pas malheureux d'armer à neuf cette excellente milice.
L'arme à feu que préfèrent utiliser les miliciens canadiens est un fusil de chasse sans baïonnette, solide et léger, provenant de la manufacture de Tulle, au centre de la France, au calibre de 28 balles à la livre, soit 14 mm. Calibre un peu faible pour aller à la guerre, mais cet inconvénient est compensé par le tir précis des Canadiens, qui connaissent bien cette arme. Le milicien porte en outre une hachette et souvent plusieurs couteaux : l'un fixé à la taille, l'autre à la jarretière de sa mitasse, et le troisième suspendu au cou par une lanière.
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