Les Compagnies franches de la Marine du Canada

L'organisation d'une expédition

Une nouvelle façon de faire la guerre

Capitaine Jean-Baptiste Hertel de Rouville

Légende: Capitaine Jean-Baptiste Hertel de Rouville

Hertel de La Fresnière conçoit qu'une troupe mixte, composée d'hommes familiers avec le climat et rompus aux longs voyages exténuants à travers bois et rivières, peut porter des coups très loin chez l'ennemi. Le « parti de guerre » idéal se compose selon lui d'officiers canadiens connaissant parfaitement le pays et les mœurs des autochtones, de quelques soldats d'élite des troupes régulières, bien endurcis, de coureurs des bois, de « voyageurs canadiens », ainsi qu'on appelle les canotiers et transporteurs, et d'Amérindiens alliés. Enfin, l'officier qui est à la tête de cette troupe devra assouplir sa façon de commander, tout en lui conservant la forme militaire. Les Amérindiens sont des alliés, non des subordonnés, il ne faut pas l'oublier. Ils peuvent changer d'idée en tout temps. Il s'agit donc de savoir user de diplomatie afin d'obtenir d'eux respect et enthousiasme.

La logistique occupe une place très importante dans une expédition de ce genre, où l'on ne peut compter que sur ce qu'on apporte pour survivre. La rapidité étant primordiale, la règle du strict minimum s'impose. Idéalement, on part avec des canots chargés de vivres, d'outils, d'armes et de munitions, et on fait des caches le long de la route en prévision du retour. Le régime, peu alléchant, mais nourrissant, se compose surtout de maïs et de pois secs, de viande séchée, de biscuits durs. On améliore cet ordinaire, à l'occasion, avec quelque gibier ou poisson, mais toute chasse cesse quand on arrive à proximité du territoire ennemi. Il n'y a vraiment alors que la fortifiante ration d'eau-de-vie pour donner du cœur au ventre et soutenir le moral du soldat. À l'approche du fort à attaquer, on dissimule les canots et le reste du trajet se fait à pied, à travers bois, chaque homme portant sa charge. Enfin, si tout va bien, on arrive en vue du fortin de l'adversaire sans avoir été détecté.

Quand l'expédition a lieu en hiver, on remplace les canots par des traîneaux et les hommes chaussent des raquettes. Ils doivent être habillés et équipés à la canadienne, et n'apporter qu'un armement léger et utile : fusils, baïonnettes et hachettes pour les officiers, sous-officiers et soldats ; fusils de chasse, hachettes et couteaux pour les volontaires canadiens. Pas question de tricornes ni de hallebardes !

Ces conditions générales valent aussi pour les Amérindiens qui se joignent au raid. Ceux-ci attaquent avec une fougue extraordinaire, sèment la terreur et sont des éclaireurs sans pareils, mais il est impossible de les plier à la discipline européenne parce qu'« ils n'ont parmi eux aucune subordination et que leurs chefs ne sont pas en droit » 58 de commander aux guerriers, mais seulement de leur proposer une forme d'action. Ils constituent une entité indépendante qu'il ne faut pas songer à intégrer. De plus, si l'Amérindien croit percevoir la défaite, il se retire rapidement du combat, facteur dont le tacticien canadien doit également tenir compte.

Images additionnelles

Expédition militaire en canoë