De la guerre froide à aujourd'hui

Les francophones depuis la Deuxième Guerre mondiale …

Les obstacles à la participation des francophones

Les différentes enquêtes des années 50 mentionnent que les Canadiens français, qui représentent environ 27 pour cent des recrues, retournent à la vie civile dans des proportions effarantes dès la première année. Ceux qui traversent les 12 mois d'adaptation à une nouvelle vie et à une autre langue restent ensuite aussi longtemps que les anglophones. Mais ils sont bien peu. En 1951, 2,2 pour cent des officiers de la marine et 11 pour cent des sous-officiers et marins sont francophones. Une recrue de langue française nécessite 38 semaines d'instruction, en moyenne, avant d'être opérationnelle en milieu naval, alors qu'un anglophone n'en requiert que 21, la différence de 17 semaines sert à l'apprentissage de l'anglais qui s'avère d'ailleurs insuffisant, très souvent, lorsqu’arrive le moment des cours techniques. Le message est clair selon les études : les Canadiens français comprennent qu'ils sont indésirables dans la marine. Une première réponse de la marine arrive en 1952 : on met sur pied une école de langue anglaise où les francophones pourront passer jusqu'à six mois avant d'affronter l'instruction en anglais. En somme, on propose l'assimilation. Ceux qui ont pensé à cette solution se doutent-ils du peu de réponse qu'aura cette proposition ? Dans l'aviation, les choses ne sont guère plus brillantes, la représentation francophone se fixant à 4,7 pour cent parmi les officiers et à 16,3 pour cent pour les sous-officiers et la troupe. Dans l'armée de terre, en 1958, ces pourcentages sont respectivement de 14 et 21 pour cent.

Par ailleurs, dans les années 50, les changements profrancophones sont surtout faits dans l'armée de terre, mais de façon partielle et parfois malhabile. Ainsi, en 1954, on forme une sous-unité francophone d'artillerie que l'on fait servir dans une petite localité de l'Ontario, Picton, où la francophobie est bien vivante. En 1957, c'est un escadron de blindés qui naît. Ces deux sous-unités seront rayées des effectifs dès le début des années 60. En revanche, le Collège militaire royal de Saint-Jean, au Québec, ouvert aux élèves-officiers des trois armées, en 1952, restera jusqu'en 1995 un élément du mouvement en faveur d'une plus grande présence des francophones. On y prêche en faveur d'un bilinguisme fonctionnel de tous les élèves-officiers, anglophones ou francophones, les cours universitaires ou autres sont offerts à chaque groupe dans sa langue, on recrute en moyenne deux francophones pour un anglophone. Durant près de 20 ans cependant, si les trois premières années se passent à Saint-Jean, les deux dernières sont au Royal Military College de Kingston, et en anglais seulement. Qui plus est, les périodes de formation militaire (entraînement d'été, comme on dit) se déroulent très souvent en anglais. Le taux d'abandon des francophones restera très élévé dans ce programme durant cette période initiale.

La situation s'améliore donc très lentement alors qu'au Québec, à compter de la fin des années 50, les francophones revendiquent de plus en plus fortement l'égalité formelle avec les anglophones. Au ministère, on continue de se satisfaire d'études. Ainsi, en 1960, Marcel Chaput, futur champion du séparatisme québécois, produit une analyse sur les résultats obtenus par les officiers anglophones et francophones de l'infanterie, lors de leurs examens de promotion, au cours desquels les seconds réussissent moins bien que les premiers. Les examens sont préparés en anglais avant d'être traduits de façon approximative. Les réponses rédigées en français font, elles aussi, l'objet d'une traduction avant d'être corrigées. Ici se situe une cause importante de problème, dit Chaput. Ajoutons que tout cela se passe dans l'armée de terre, celle où les Canadiens français sont les plus présents et où ils réussissent le mieux. De fait, à compter de 1957, deux majors généraux issus du Royal 22e Régiment vont atteindre, successivement, le deuxième poste dans la hiérarchie de l'état-major de l'Armée : Jean Allard et Paul Bernatchez.