Un siège interminable
Le Canadien français et le français dans le Corps expéditionnaire canadien
Légende: 22e Bataillon (canadien-français), Corps expéditionnaire canadien, en juillet 1916
La mobilisation initiale des volontaires se fait dans l'espacement des unités de milice existantes et des particularités linguistiques du pays. Des pressions exercées de plusieurs côtés conduisent le gouvernement à accepter de créer le 22e Bataillon (Canadien français), l'ancêtre de l'actuel Royal 22e Régiment. Mais les décennies d'oblitération du fait francophone dans l'institution militaire canadienne devaient avoir des répercussions. L'historien J. Granatstein pense qu un maximum de 50 000 francophones se sont portés volontaires, soit moins de huit pour cent des enrôlements. Et l'on sait que la conscription de 1917-1918 causera de sérieux troubles au Québec, en plus d y détruire le Parti conservateur pour quelques générations.
Pourtant, au début de la guerre, l'enthousiasme règne partout au pays. Dès le 1er août 1914, le 6e Régiment d'artillerie canadienne, de Québec et Lévis, se propose pour participer à la guerre qui sévit en Europe. Mais les autorités ne veulent pas mobiliser les unités. Cela dit, à cause de la menace des sous-marins, le 6e Régiment se voit ordonner d'aller prendre ses positions de défense côtière en aval de Québec, au Fort de la Martinière et à l'île d'Orléans. Jusqu'à la fin de la guerre, durant la saison navigable, le 6e Régiment sera confiné à ce rôle. Durant ces périodes de service, officiers et soldats vivent sous la tente et servent deux batteries. Des volontaires du régiment iront aussi à l'île Sainte-Lucie, dans les Indes occidentales, et y resteront jusqu’à la fin de la guerre. Quelques hommes du régiment se porteront volontaires pour aller outre-mer. Certains auront l'occasion de séjourner aux Bermudes comme membres d'une garnison de remplacement des Britanniques. Dans une autre partie du pays, la Libre Parole de Winnipeg indique, le 20 avril 1916, que 30 descendants des Métis de 1870 et de 1885 - dont 19 semblent être francophones - viennent de s’enrôler à Qu’Appelle. À la même époque, le Free Press, également de Winnipeg, publie un texte du capitaine MA. Fiset, de la 36e Batterie de campagne, qui décrit les exploits du soldat P. Riel, neveu de Louis Riel, qui, de mars 1915 à janvier 1916, a abattu 30 Allemands comme tireur embusqué. Ayant été tué par un éclat d'obus le 13 janvier 1916, son fusil est exposé bien en vue dans une fenêtre d'un édifice de Londres 75.
Au vu de ces deux petits exemples, on peut se demander combien de francophones de tout le pays seraient allés outre-mer volontairement si un cadre d'accueil avait existé pour eux avant et après l'ouverture du conflit. L'insensibilité au fait francophone du système militaire canadien de l'époque a eu des répercussions. Pourtant, les cadres n'étaient pas systématiquement anti-francophones.
Ainsi, le lieutenant-colonel Francis Farquhar, secrétaire militaire du gouverneur général, jusqu'à ce qu'il devienne commandant du PPCLI, annonce à ses officiers qu'il veut qu’ils puissent lire le français ou envoyer un message simple dans cette langue. Il croit que les officiers devraient connaître environ 500 mots de base en français avant d'arriver en France. Des cours sont donnés durant la traversée de l’Atlantique, même si la plupart des étudiants s'en passeraient volontiers 76.
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