Les soldats du roi

Franc-tireur et voyageur endurci

Le colon français de la seconde moitié du XVIIe siècle était un homme qui, par son mode de vie même, avait développé de multiples habiletés. L'ensemble de la population de la Nouvelle-France était alors groupé le long des rives du Saint-Laurent, où plusieurs possédaient des terres. Il n'était pas rare de voir le cultivateur de l'été se métamorphoser en chasseur l'automne venu, puis s'adonner à quelque petit métier, peut-être à la trappe ou à la traite, durant l'hiver, ce qui l'obligeait à parcourir de grandes distances en raquettes, pour ensuite retourner à ses champs au printemps. Sans parler des excursions de pêche qui lui fournissaient maintes occasions de s'entraîner au canotage ! Un observateur donne des Canadiens de cette époque la description suivante : ils sont « bien faits, agiles, vigoureux, jouissant d'une parfaite santé, capables de soutenir toutes sortes de fatigues... et belliqueux ... nés dans un pays de bon air, nourris de bonne nourriture et abondante... ils ont la liberté de s'exercer dès l'enfance à la pêche, à la chasse et dans les voyages en canot où il y a beaucoup d'exercices » 51. Un autre ajoute que le « Canadien est très brave » et qu'il est plus habile à tirer du fusil « que tout autre au monde » 52.

Voilà qui annonce un type d'hommes possédant une aptitude exceptionnelle pour la guerre de raids ! On décèle pourtant chez les Canadiens une certaine réticence à participer aux activités militaires. Frontenac note que, comparés aux soldats de métier, les miliciens ne veulent guère quitter leurs foyers et ne peuvent être très utiles pour les expéditions. Mais ceci concerne la période paisible des années 1670. Vingt-cinq ans plus tard, on constatera chez eux un changement d'attitude considérable, engendré par la guerre intermittente menée contre les Iroquois depuis le début des années 1680. Aux côtés de leurs alliés amérindiens, les robustes Canadiens sont alors de tous les raids, et ces excursions militaires sont si pénibles qu'il « n'y a pas 300 hommes dans les troupes régulières capables de les suivre » 53.