La cristallisation des enjeux

La Loi navale

Les origines du Naval Bill de 1910

De nombreux Canadiens croient que la Loi navale est brusquement apparue en 1909-1910. En fait, les principes de la défense maritime du Canada figuraient déjà dans la première Loi de la Milice, en 1868, au moment où George Étienne Cartier en était le ministre en titre. Cet embryon de défense navale n'a abouti qu'à la construction de quelques chaloupes canonnières et de cotres pour la défense des Grands Lacs et de nos côtes ainsi que pour la protection de nos pêcheries. Notre véritable force navale est britannique. Après 1871, il n'existe guère de problèmes importants avec notre seul voisin et le gouvernement canadien laisse rapidement à l'abandon ses minces efforts navals, certains ayant été consentis avant la Confédération par des colonies comme la Nouvelle-Écosse. Dès 1867, faute de moyens et à la suite du décès de B. Weir, son créateur et protecteur, la brigade navale néo-écossaise se détériore. Au Québec, les compagnies navales créées en 1868 à Bonaventure et New-Carlisle, et celle de Carleton, après 1869, sont peu équipées et sont perçues comme des anomalies par les responsables de la Milice. Moins d'une décennie plus tard, elles auront disparu ainsi que celle de Bonaventure qui est démantelée en 1878 49. Quant à la police des pêches sur la face atlantique, supervisée par l'Angleterre, son utilité est remise en question après la ratification par le Congrès américain du traité de Washington en 1873.

En 1871, avec l'entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération, Peter Mitchell, ministre de la Marine et des Pêches, et Hector Langevin, ministre des Travaux publics, suggèrent que le Canada défraye les coûts liés au maintien du navire armé britannique rattaché à Esquimalt depuis des années. La suggestion des deux ministres est écartée sitôt que le Canada cesse d'être hanté par la perspective de raids fenians.

En 1886, des zones de pêche entre le Canada et les États-Unis sont à nouveau contestées. La Grande-Bretagne, voulant éviter les problèmes diplomatiques qu'entraînerait une intervention de la Royal Navy auprès de pêcheurs américains fautifs, rétablit un Service canadien de protection des pêches. L'organisme civil canadien a des responsabilités limitées, affirmant principalement la présence et le bon droit du Canada, tout en évitant les confrontations directes avec les États-Unis. En 1892, le pays renforce le Service avec trois navires : un sur les Grands Lacs, un dans la baie de Fundy et un dans le Bas-Saint-Laurent. Ses membres portent un uniforme presque identique à celui des marins britanniques. Les navires, qui arborent le White Ensign avec les armes canadiennes, sont commandés par des officiers britanniques. La vraie force navale reste toujours l'escadre britannique d'Amérique du Nord et des Antilles occidentales, basée à Halifax.