La vie quotidienne des soldats et des officiers
Les soldats
Mutineries et les désertions
La dureté de ces traitements aurait bien pu provoquer, semble-t-il, de fréquentes mutineries. Or, il n'en est rien. Les soulèvements contre l'autorité militaire au sein des troupes britanniques au Canada semblent avoir été, en règle générale, peu nombreux, et avoir eu d'autres causes que les rigueurs disciplinaires. Ils auraient été le fait de quelques soldats isolés. Par exemple, une lettre datée de septembre 1763 rapporte qu'il y a eu à Québec « une mutinerie de la garnison le 18 de ce mois, fomentée entièrement par de simples soldats 80 » qui protestent contre des déductions excessives faites à leur solde. Trente ans plus tard, un complot de mutinerie est découvert au 7e régiment en garnison à Québec. On fusille le meneur et on condamne deux autres soldats à 700 et 400 coups de fouet.
Si les mutineries ne sont pas monnaie courante, il n'en va pas de même pour les désertions. Avant les années 1830, le nombre de soldats britanniques qui fuient l'armée régulière au Canada reste relativement peu élevé, il concerne alors environ 5 % des effectifs. En 1833, toutefois, ce taux bondit à plus de 12 % et demeure élevé jusqu'en 1837, date à laquelle il fléchit en raison des rébellions. À partir de 1848, il grimpe pour atteindre 18 % en 1854, à la nouvelle de la guerre de Crimée, et franchir un sommet de plus de 28 % en 1857, au moment de la révolte en Inde. Par la suite, le nombre de déserteurs diminue pour remonter à plus de 8 % en 1864, lorsque les Américains offrent des sommes généreuses à ceux qui s'enrôlent dans l'armée de l'Union.
Ces chiffres sont directement liés à l'amélioration notable des routes et des chemins de fer entre le Bas-Canada, le Haut-Canada et les États-Unis durant le deuxième tiers du XIXe siècle. Dans les colonies de l'Atlantique, plus isolées, les désertions sont beaucoup moins fréquentes. Au Canada central, le problème est aigu et il ne sera jamais vraiment enrayé malgré les mesures prises pour mieux garder les frontières. Dès que parvient une nouvelle sensationnelle, comme la ruée vers l'or en Californie, ou que surgit la crainte d'être mobilisé pour combattre en Crimée, ou pis, en Inde, c'est l'exode. Que peuvent faire les autorités en 1857, quand 955 des 3 300 soldats désertent, ou durant l'année 1864 quand 831 des 9 900 hommes en garnison prennent la clé des champs ? Pas grand-chose, en vérité. À Londres, durant les années 1860, on en arrive à penser qu'il vaut mieux ne pas envoyer trop de troupes au Canada, de crainte de les voir grossir les rangs américains...
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