La vie quotidienne des soldats et des officiers
Les soldats
Punitions et châtiments
Légende: Un fouet « cat of nine tails »
Dans l'armée britannique, le moindre écart de conduite est impitoyablement puni après le jugement sommaire et sans appel d'une cour martiale régimentaire. Même les délits mineurs sont punis d'une façon « cruelle et barbare », sans égale en Europe occidentale : il s'agit d'inspirer la terreur en faisant des exemples. « Il se passait peu de samedis, nous dit Aubert de Gaspé, que ceux qui fréquentaient le marché de la haute-ville de Québec ne fussent attristés des cris de douleur sortant de la cour des casernes». Des soldats subissent fréquemment le fouet, instrument de punition par excellence, surnommé « Cat of Nine Tails », le chat à neuf queues. Tout délit mineur peut entraîner ce châtiment. Pendant les années 1810 et 1811, au fort George, dans le Haut-Canada, on mentionne des peines de 75 coups pour la perte d'une chemise, de 100 coups pour celle d'un rasoir et de 295 coups pour être sorti sans permission de la caserne. Le délit le plus courant est l'ivresse, qui peut valoir 100 ou 150 coups de fouet à celui qui s'en rend coupable.
La sentence est exécutée devant le régiment au complet. Nu jusqu'à la taille, le soldat est attaché par les poignets. Derrière lui se trouve un tambour, chargé d'administrer la punition. Le tambour major se tient derrière lui, pour le frapper d'un coup de canne s'il ne fouette pas assez vigoureusement. Après 25 coups, un autre tambour prend la relève et ainsi de suite, jusqu'au nombre fixé. Au cinquantième coup, le dos prend un horrible aspect de gélatine sanglante et au centième, le sang coule librement. Lorsque le supplicié perd connaissance, on le ranime en lui lançant un seau d'eau. Le spectacle est si éprouvant que les jeunes militaires s'évanouissent parfois lorsqu'ils en sont témoins pour la première fois.
Selon Philippe Aubert de Gaspé, qui s'entretient souvent avec des officiers de l'armée britannique au sujet de l'usage du fouet, « ils s'accordaient tous à dire que 25 à 30 mauvais sujets dans chaque régiment étaient les seuls qui reçussent cette cruelle punition. La plupart, disaient-ils, deviennent insensibles à la douleur à la suite des fréquentes flagellations. Leur chair s'endurcit si bien que le martinet ne frappe que sur une peau sèche comme du parchemin collé sur les os. Ils ajoutaient aussi que les juges des cours martiales évitaient autant que possible d'infliger la punition du fouet à ceux qui ne l'avaient jamais subie, parce que, après l'avoir endurée une seule fois, ils devenaient ensuite des sujets incorrigibles 79 ». Ce châtiment inhumain, dont l'abolition est réclamée dès la fin du XVIIIe siècle, se maintient pendant une bonne partie du siècle suivant. Le nombre de coups est limité à mille (!) en 1813 et à 200 en 1833, puis on restreint son application aux seuls mauvais sujets récidivistes à partir de 1859, époque où l'on n'y a plus guère recours. La peine du fouet n'est toutefois abolie officiellement qu'en 1881.
Les miliciens, les volontaires et les soldats des régiments « provinciaux » levés dans une colonie, tels les Volontaires royaux canadiens ou les Voltigeurs canadiens, ne sont pas passibles de cette punition extrême. En revanche, elle concerne les soldats des régiments coloniaux levés sous autorité du Parlement britannique et inscrits au registre de l'armée régulière, comme, par exemple, les régiments de Fencibles ou le Royal Canadian Rifle Regiment.
Les autres punitions infligées aux soldats britanniques ainsi qu'à ceux des troupes coloniales sont plus conformes aux châtiments militaires en usage dans les autres armées de l'époque : le cachot, les travaux forcés, le marquage au fer rouge, les « baguettes » et, peine ultime, le peloton d'exécution.
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