La vie quotidienne des soldats et des officiers
Les soldats
L'alcool et les femmes
Légende: Une cantine de soldats en 1847
Pour bon nombre de soldats, le seul moyen d'échapper à cette vie implacablement réglée et encadrée est la boisson. Ils consomment notamment des quantités presque incroyables d'un rhum de mauvaise qualité mais fortement alcoolisé 78. Les tavernes des villes où logent des garnisons - la ville de Québec en compte jusqu'à 500 en 1830 - sont fréquentées essentiellement par des soldats et des marins. En outre, des cabarets ambulants suivent les régiments qui partent en campagne.
À partir de la fin du XVIIIe siècle, dans le but d'endiguer quelque peu le problème de l'alcoolisme, l'armée favorise la création de « cantines régimentaires » qui ne sont autre chose que des débits de boisson servant à assouvir la soif insatiable des soldats dans les casernes. Au cours des années 1830, leurs règlements deviennent plus sévères ; on ne doit désormais servir la boisson qu'entre midi et le couvre-feu, et jamais à des soldats ivres, ni à des femmes ou des enfants, ce qui en dit long sur les pratiques qui avaient cours jusque-là. Il en coûte peu pour s'enivrer : en 1842, aux casernes de Laprairie, le verre de bière et de rhum se vendent au même prix, soit un sou et demi. Pour encourager la consommation de la bière, moins enivrante, on ordonne la hausse du prix de l'alcool. Mais, en 1848, devant le peu de succès de cette mesure, on interdit purement et simplement la vente d'alcools forts dans les cantines. Cependant, cette prohibition ne changera manifestement pas grand-chose puisque l'alcoolisme demeure l'un des problèmes majeurs de l'armée.
Environ neuf soldats britanniques sur dix sont de jeunes célibataires. Nul doute que bon nombre d'entre eux recherchent la fréquentation de femmes pouvant leur procurer des unions faciles, rapides et sans contraintes. Partout à travers l'Empire britannique, des prostituées hantent donc les tavernes fréquentées par les soldats et les marins. Nombreuses sont alors celles, au Canada, qui pratiquent « le plus vieux métier
du monde ». Au début du XIXe siècle, on estime leur nombre à 500 ou 600 pour la seule ville de Québec. Il y en a probablement davantage à Halifax où se trouve une grande base navale, outre une importante garnison. En conséquence, les maladies vénériennes sont un des fléaux de l'armée.
Entre 1837 et 1847, plus de 25 % de tous les soldats admis dans les hôpitaux militaires souffrent de maladies sexuellement transmissibles. Douze ans plus tard, cette proportion atteint 42 %. À ce stade, on peut parler d'une véritable épidémie. Tout en composant avec les arguments moralistes de l'époque victorienne, les médecins militaires combattent ces maladies par des mesures pragmatiques : inspections des prostituées dans les villes de garnison et traitements préventifs. Ils récoltent de bons résultats puisque le taux baisse à 29 % en 1864 et à 20 % trois ans plus tard. D'autre part, l'armée s'aperçoit que la meilleure façon d'éviter de telles épidémies, ainsi que plusieurs autres problèmes, est de faciliter les mariages en fournissant un cadre de vie approprié aux soldats.
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