La vie quotidienne en Nouvelle-France
La Milice
Le caractère de la milice
Légende: Miliciens plantant l'Arbre de mai devant la maison de leur capitaine
Malgré toutes ces charges, qui peuvent sembler oppressantes, la milice, en tant qu'institution, n'est pas conspuée en Nouvelle-France. La raison en est certainement que la majorité des habitants perçoit l'appartenance à cette organisation comme une contribution personnelle aux affaires militaires et sociales de la colonie. D'autre part, dans un mode de gouvernement absolu et hiérarchique, cet organisme sert de fil conducteur aux autorités. Ce fait a son importance quand on sait que, contrairement à la population française, celle de la Nouvelle-France est armée et que ses hommes sont d'excellents tireurs. D'autant plus que les administrateurs français se succèdent pour affirmer que c'est une population orgueilleuse, indépendante, peu encline à se laisser commander à outrance par eux et capable de résister aux exagérations du pouvoir. La milice étant essentielle au gouvernement, les autorités exercent leurs pouvoirs « absolus » avec réserve.
Malgré son esprit « indocile », le milicien canadien est loyal à son pays et au roi. Ce n'est pas un rebelle, même s'il adapte les règlements en fonction de ce qu'il considère être l'efficacité au combat. Par exemple, l'exercice mensuel - plus fréquent en temps de guerre - qui devrait être une occasion de pratiquer le maniement des armes et la marche en rang, ressemble plutôt chez eux à une assemblée de pratique de tir.
Enfin, la milice joue un rôle protocolaire considérable en certaines occasions. À une procession de la Fête-Dieu, à Varennes, selon une description, tous les miliciens, vêtus fort proprement d'un capot et d'un chapeau, forment une double haie de l'église au reposoir. Au passage du saint sacrement, que porte le représentant du clergé, escorté par le seigneur et les officiers et sergents de milice, ils présentent les armes. Avant la cérémonie, les capitaines se sont assurés « qu'aucun cabaretier ne puisse enivrer qui que ce Soit » 123. Car, on le sait, les Canadiens aiment bien fêter.
Une tradition moins solennelle de cette époque, mais très agréable, c'est la cérémonie du « mai » par laquelle on célèbre le retour de la belle saison. Le premier jour de ce mois, les miliciens, accompagnés de leurs femmes, se présentent chez le capitaine qui leur accorde la permission de planter un grand sapin au sommet duquel on a fixé une couronne et une girouette. Les miliciens saluent ensuite le capitaine par une salve d'honneur, et celui-ci leur répond en tirant un coup de fusil. On offre alors un coup à boire au capitaine, qui, à son tour, incite les miliciens à entrer dans la maison où les attend une table chargée de victuailles. Il offre aussi à boire et, après chaque rasade, quelques miliciens sortent pour tirer la cible au sommet du mai. Il arrive que leurs femmes tirent aussi et cette joyeuse assemblée se termine, bien entendu, par des danses...
Comme on peut le constater par ces exemples, les traditions militaires de la milice, en Nouvelle-France, se mêlent à la religion et au folklore. On y discerne aussi, bien au-dessus des tracasseries administratives, un profond respect, amical et réciproque, entre les chefs et leurs hommes. La milice est également et surtout l'instrument d'une profonde cohésion sociale, parfaitement adaptée au caractère de la population.
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