La vie quotidienne en Nouvelle-France

La Milice

Les capitaines de milice

Le capitaine de la milice joue un rôle très important dans la vie communautaire de la colonie. C'est non seulement un chef de guerre, en cas d'urgence et durant les appels, mais aussi, dans une foule de circonstances, le lien entre les habitants et l'administration centrale. Par exemple, il voit à faire appliquer les règlements municipaux et veille au déroulement des travaux publics, pour ne nommer que ces deux équivalents modernes de ses principales fonctions. Sa commission de capitaine est signée par le gouverneur général, après consultation auprès des officiers de l'état-major du district et des instances locales. C'est, en général, un homme qui jouit d'une certaine popularité et dont la bravoure est reconnue, car il est notoire que les fiers Canadiens n'obéissent qu'à ceux qu'ils respectent. C'est aussi une personne en vue dans son milieu, qui sait lire et écrire, et qui possède une certaine aisance financière, car le poste n'est pas rémunéré.

Le grade de capitaine de la milice est convoité à cause de l'honneur qui en découle et de l'influence considérable qu'il permet au porteur d'exercer dans les affaires communautaires. À une époque où l'on prend très au sérieux sa propre dignité et le protocole, le capitaine de la milice a sa place à l'église juste derrière le seigneur et reçoit le pain bénit après celui-ci, mais avant tous les autres paroissiens. Aux colonies où, comme en France, le port de l'épée est réservé aux militaires et aux gentilshommes, il y a droit aussi et il doit porter le hausse-col doré. Ce ne sont pas là, comme on pourrait croire, détails anodins ou motifs à badinerie : en 1752, le gouverneur général Duquesne ne reconnaît que les officiers portant épée et hausse-col. Dans les villes, plusieurs ajoutent aussi, pour l'apparat, l'esponton, qui est la demi-pique des officiers. À l'instar des seigneurs et des religieux, les capitaines de milice n'ont pas à payer les taxes royales et sont exemptés de l'obligation de loger des soldats chez eux. On les dispense aussi de travailler manuellement aux corvées, bien qu'ils doivent assumer la responsabilité de les faire accomplir.

Ces petits privilèges honorifiques mènent quelquefois à des querelles de protocole entre le seigneur de l'endroit - habituellement officier de la Marine par surcroît - et son distingué sujet et censitaire, qui acquiert parfois trop d'importance. Mais elles n'entraînent rien de grave. Il arrive aussi que le capitaine serve d'intermédiaire entre les habitants et le seigneur, à moins que capitaine et seigneur soient le même homme, ce qui se produit dans plus des deux tiers des cas, surtout sous Louis XIV. Cette proportion baisse considérablement à partir du début du XVIIIe siècle, alors que les seigneurs prennent de plus en plus les places d'officiers dans les Compagnies franches de la Marine, laissant ainsi à d'autres les postes de capitaines de la milice. Quel que soit l'état civil de ceux qui les occupent, le gouverneur général et l'intendant s'attendent à ce qu'ils soient des agents efficaces du pouvoir central.