La vie quotidienne en Nouvelle-France

Les officiers

Les officiers pauvres et l'alimentation

Si certains officiers dont les affaires vont bien font bonne chère et que d'autres se trouvent occasionnellement à la table des grands, il ne faut pas en déduire que le champagne et les mets fins soient le lot de la majorité. Pour beaucoup d'officiers ayant charge de famille, ainsi que pour certains cadets, la réalité quotidienne est tout autre. Ces hommes sont pauvres selon les critères de l'époque, car ils ne peuvent compter que sur leurs appointements. Or, les gentilshommes militaires doivent faire montre d'une certaine aisance, ce qui demande des revenus supplémentaires. Afin d'y pallier un peu et de les aider à maintenir leur statut, c'est l'usage d'accorder aux gradés l'équivalent en vivres de la ration du soldat.

On fournit aussi la nourriture aux officiers en campagne ou postés dans les forts éloignés. Un ordre de 1748 spécifiant la ration des officiers, aumôniers, chirurgiens et garde-magasins dans ce cas démontre que leur alimentation est identique, à la base, à celle des soldats : pain, lard ou boeuf salé, pois secs. Mais on y ajoute du beurre, de l'huile d'olive, du vinaigre, du poivre et un peu d'épices, de la mélasse, de l'eau-de-vie et une barrique de vin qui doit durer un an. Curieusement, cette dernière n'est pas fournie aux chirurgiens.

Pour plusieurs officiers détachés dans les fortins de l'Ouest, le coût de maintenir une résidence à Montréal durant leur absence s'avère prohibitif, de sorte que l'usage leur permet d'être accompagnés de leurs épouses. Elles aussi reçoivent alors la ration. Cette coutume laisse à penser que la vie dans ces endroits est certainement beaucoup moins « libertine » qu'on se l'imagine, et que la présence féminine y apporte, au contraire, un certain raffinement. En 1742, toutefois, le ministre de la Marine met fin aux rations des épouses d'officiers et demande qu'elles soient ramenées à Montréal. Cette directive fut-elle suivie ? Sans doute pour la coupure de la ration et dans les forts essentiellement militaires, comme Saint-Frédéric, mais il y a lieu de croire que plusieurs épouses demeurèrent dans ceux qui servaient surtout de postes de traite, comme Michillimakinac.