La vie quotidienne en Nouvelle-France
Les officiers
Les devoirs des officiers
La vie quotidienne de l'officier est fort différente de celle de ses soldats. Il existe alors un gouffre social entre les gentilshommes et les bourgeois par rapport aux gens issus des couches inférieures de la société parmi lesquelles se recrutent les soldats. Un officier doit avoir au moins un valet - habituellement un homme de sa compagnie - pour le servir. Il n'est pas question qu'on le soumette à un travail manuel et sa naissance et son rang lui confèrent divers privilèges protocolaires.
Règle générale, l'officier en service à la garnison ne participe pas directement aux activités militaires telles que les exercices, il les contrôle. Le capitaine, étant le premier responsable d'une compagnie, voit particulièrement aux officiers subalternes qui sont sous ses ordres et aux rapports avec le commandement supérieur et avec les autres capitaines. Les lieutenants, enseignes et enseignes en second doivent veiller aux détails quotidiens : s'assurer que les armes et les uniformes restent en bon état, veiller à ce que les soldats soient propres et se rasent, visiter les malades et les blessés à l'hôpital, inspecter les escouades qui montent la garde, superviser l'exercice. Quand la compagnie est logée dans une caserne, les officiers subalternes doivent visiter les chambres, le matin, pour obliger les occupants à les tenir propres et en ordre, et de même le soir, pour s'assurer que tous les soldats soient présents et « prendre garde surtout que quelques filles de mauvaise vie ne s'y soient introduites ». Les sergents sont responsables de l'exécution des consignes des officiers subalternes, tandis que ces derniers doivent faire rapport au capitaine pour lui « rendre compte de tous ces détails » 110.
Il arrive que l'on dispense certains officiers d'être constamment présents. Ainsi, en 1729, le gouverneur général permet aux officiers pauvres de vivre sur leurs terres, quitte à ce qu'il y ait toujours deux officiers à la compagnie pour monter la garde et assister aux revues. Il y a également ceux « qui par leur âge ou leurs infirmités » ne font ou ne sont « plus en état de faire aucun service » 111.
Bien que leur quotidien soit très différent selon leur grade, une certaine cordialité règne habituellement parmi les militaires canadiens. Dès les années 1680, l'officier La Hontan note qu'il faut traiter différemment l'homme de troupe au Canada de celui en Europe. La voie de la douceur, écrit-il, est la plus sûre afin de « gagner le cœur du soldat » 112 et obtenir ainsi sa loyauté et sa confiance. De son côté, Kalm confie, un peu surpris, que les officiers sont respectés par leurs hommes qui jouissent d'une grande liberté et se traitent en camarades. Le genre de service qu'on fait au Canada favorise ce contact plus intime, car les militaires vivent souvent par petits groupes isolés, chacun ne pouvant compter que sur l'autre.
Le devoir premier de l'officier est de mener ses hommes à la guerre. Sur ce chapitre, les officiers canadiens sont particulièrement assidus. Les expéditions vers la Nouvelle-Angleterre ou contre les Amérindiens hostiles comptent toujours plusieurs officiers, particulièrement des jeunes, ainsi que des cadets qui se portent volontaires. Ceci non seulement à cause de leur bravoure légendaire, mais aussi parce que c'est la seule façon pour eux d'apprendre la tactique guerrière très particulière qui se pratique au Canada.
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