La vie quotidienne en Nouvelle-France

Les officiers

L'instruction et les connaissances

Un « cadet de l'aiguillette » recevant les consignes d'un sergent des Compagnies franches de la Marine en Nouvelle-France, 1750-1755

Légende: Un « cadet de l'aiguillette » recevant les consignes d'un sergent des Compagnies franches de la Marine en Nouvelle-France, 1750-1755

Dès les années 1680, soit près de deux siècles avant la fondation du « premier » collège militaire canadien à Kingston (Ontario), un système d'enseignement pour les militaires avait été établi en Nouvelle-France. C'est en effet à l'époque de Louis XIV que fut instaurée l'instruction des cadets-gentilshommes au Canada, menant à un brevet d'officier dans les troupes régulières.

Il est toutefois difficile de situer le niveau d'instruction des officiers de la Nouvelle-France aux XVIIe et XVIIIe siècles. Entrés comme cadets dans les forces armées à l'adolescence, les jeunes gentilshommes apprennent les tactiques canadiennes et se familiarisent avec le territoire en participant à des expéditions. Mais ils passent aussi une bonne partie de leur vie dans les villes. C'est certainement pendant ce temps qu'on leur enseigne la lecture, l'écriture, les mathématiques, la religion, quelques notions techniques et théoriques sur l'art de la guerre, et la danse. Tel est du moins le curriculum de base des cadets, en France. Comment cet enseignement se donne-t-il ? On a pu, grâce à un document, lever un coin du voile qui recouvrait ce mystère : il existait à Montréal, au milieu du XVIIIe siècle, un « capitaine des gentilshommes de cette colonie 108 ». Il semble aujourd'hui tout à fait logique qu'on ait pensé à rassembler les cadets sous l'autorité d'un officier chevronné, responsable, sans doute, de l'organisation académique et de la discipline de leur groupe. Les rares écrits laissés par des officiers canadiens font ressortir clairement le fait qu'ils recevaient un enseignement de base sur les théories et techniques militaires. Quant à la partie civile de leur instruction, elle leur était probablement donnée par les religieux dans les séminaires.

Les livres de toutes sortes étaient répandus chez les militaires. Certains officiers possédaient des bibliothèques personnelles. Ainsi, au milieu du XVIIe siècle, le major de Montréal, Lambert Closse, dispose d'une trentaine de volumes. Au XVIIIe siècle, une bonne bibliothèque comporte habituellement quelques livres pieux ainsi que des ouvrages d'histoire, de littérature, de voyage ou d'art militaire. Parmi ces derniers, on trouve des livres d'ordonnances et de règlements de l'armée, des traités de fortifications, de tactiques et d'artillerie. Compte tenu du coût élevé des livres, les bibliothèques importantes se trouvent chez les officiers plus âgés, notamment les membres de l'état-major.

Parallèlement à leur carrière dans les armes, quelques officiers poursuivent des recherches et des expériences dans le domaine scientifique. Ainsi, au début du XVIIIe siècle, Gédéon de Catalogne, pendant qu'il fait son service au Canada, à l'île Royale et à l'île Saint-Jean, se tient en rapport avec l'Académie des sciences à propos de ses observations sur la longitude et la dérivation des navires. L'enseigne Jacques-Pierre Daneau de Muy, qui commande le fort Saint Joseph dans l'État actuel du Michigan au début des années 1730, profite de son séjour dans cet endroit pour étudier la flore locale et revient avec de nombreux spécimens de plantes dont « beaucoup sont inconnues en France ». Il rédige d'après ses expériences un « mémoire instructif 109 » sur leurs effets médicinaux bénéfiques et le présente en France. À Louisbourg, endroit qui se prête admirablement bien à l'observation des étoiles, le capitaine Michel de Gannes s'adonne à cette science tandis que plusieurs bourgeois et officiers, dont le gouverneur de la place et l'ingénieur des fortifications, possèdent des télescopes dispendieux. Le marquis de Chabert y érige un observatoire en 1751. D'autres officiers s'intéressent à la géologie, au mode de vie des Amérindiens, à la faune.