La vie quotidienne en Nouvelle-France

Les soldats

La permission de se marier

En France, à partir de 1681, les mariages de militaires sont interdits à moins d'une permission des autorités de l'armée, permission qui n'est pas facilement accordée. Bien que rien ne soit spécifié à propos des troupes coloniales, on préférera, si la garnison est trop faible, s'en tenir à l'usage métropolitain. En effet, il n'arrive pas assez de recrues de France pour libérer tous ceux qui veulent se marier. Aussi, même si une ordonnance royale de mai 1698 permet aux soldats qui veulent s'établir d'être démobilisés à la première demande, « on peut assurer avec vérité », dit un mémoire de l'époque, « que cette ordonnance n'a jamais été régulièrement observée par les gouverneurs généraux et s'ils l'avaient exécutée, ils auraient trouvé les troupes souvent bien diminuées » 103.

C'est donc « au bon plaisir » des gouverneurs que les soldats peuvent se marier jusqu'à l'année 1715, alors que l'évêque s'en mêle. Selon Mgr Duplessis de Mornay, en effet, le mariage est d'abord une affaire religieuse et il n'hésite pas à se passer de permission pour marier plusieurs officiers et « beaucoup de soldats » 104. Réprimandé en 1718 par le gouverneur général Vaudreuil qui l'accuse d'aller à l'encontre des ordres royaux, l'évêque continue de n'en faire qu'à sa tête et célèbre le mariage d'un soldat quelques jours plus tard. En 1720, la dispute atteint un genre de sommet, car l'évêque unit, toujours sans permission, le propre neveu du gouverneur général, le lieutenant de Lantagnac, à « une fille sans bien et sans naissance, et dont on a vu la mère servir chez son père qui tenait cabaret » 105. Au gouverneur général en furie, Mgr Duplessis rétorque que la morale publique exige le mariage des militaires, et il le met en garde du même coup contre les désordres auxquels il faut s'attendre du fait que les soldats non mariés et leurs compagnes donnent à la colonie « une infinité d'enfants illégitimes » 106. Finalement, le roi tranche la question en décidant que la permission des autorités militaires est requise pour le mariage des soldats.