La vie quotidienne en Nouvelle-France

Les soldats

Punition pour la désertion

La désertion est punie d'abord par la peine de mort, entre 1635 et 1684, puis par les galères. Dans ce dernier cas, le coupable sera enchaîné, aura la tête rasée et, en principe, bien que la sentence ait rarement été appliquée dans les faits, le nez et les oreilles tranchés, les joues marquées au fer rouge de deux fleurs de lys. En 1702, le roi rétablit la peine capitale pour les soldats qui sont pris à passer dans les colonies anglaises. Quelques années plus tard, on fait une distinction entre ces derniers qui, étant des traîtres, encourent la peine maximale, et ceux qui se sont simplement sauvés « dans la profondeur des bois » 93, qu'on condamne aux galères. Nouveau changement de politique en 1717, alors qu'on rétablit la peine de mort pour toute désertion, mais en introduisant un odieux tirage au sort parmi les coupables : on met dans un chapeau quatre billets et celui qui tire le noir est exécuté, tandis que les autres iront aux galères. Heureusement, cette loterie est peu pratiquée, sinon pour servir d'exemple de temps à autre.

Le condamné est habituellement passé par les armes, c'est-à-dire fusillé. Comme ceux qui trouvent refuge chez l'ennemi sont rarement rattrapés, leur crime est jugé par contumace et leur condamnation est « lue à la tête des troupes qui seront assemblées à cet effet, et affichée » 94.

Dans la pratique, on constate qu'une certaine clémence a cours selon le type de désertion. En 1742, par exemple, le soldat Saint-Louis déserte sa garnison de Montréal, avec une jeune femme noire. Jugeant qu'il a manifestement affaire à une fugue de jeunesse, le Conseil de guerre le condamne seulement à continuer son service dans les troupes de la colonie. On évoque aussi le cas de soldats qui se sauvent sous l'effet de la boisson, mais qui, dégrisés, constatent leur erreur et reviennent. Enfin, il arrive occasionnellement que le roi ordonne une amnistie pour tous les déserteurs. Ceux-ci peuvent alors sortir de leur cachette et réintégrer les troupes, tout en jouissant d'un plein pardon. Cette mesure vise surtout ceux qui ne quittent pas la colonie, mais sont cachés par les habitants qui les prennent en pitié, au grand désespoir du commandant de la maréchaussée. En 1738, ce fut le cas de deux soldats sur les huit qui manquaient à l'appel.