La vie quotidienne en Nouvelle-France
Les soldats
La désertion
Déserter ses drapeaux équivaut à un refus de combattre les ennemis du roi. C'est le déshonneur ultime. Pis, comme on ne peut se réfugier dans son pays, on est bien obligé de se rendre chez l'ennemi et, comme il faut bien se faire accepter, lui fournir des informations. Souvent, en temps de guerre, le déserteur est ensuite enrôlé dans les forces ennemies et doit se battre contre les siens. Cela devient une trahison... Pour toutes ces raisons, la désertion est un crime, le plus grave que puisse commettre le soldat.
En Nouvelle-France, ce n'est manifestement pas un grand problème, malgré les propos alarmistes lancés de temps en temps par les officiers et les gouverneurs. On estime qu'un dixième des troupes françaises en Europe déserte en moyenne chaque année. Or, les déserteurs sont beaucoup moins nombreux en Nouvelle-France que dans la métropole. Au Canada, où l'on devrait s'attendre, sur la base de cette donnée, à quelque 80 déserteurs par année pour la première moitié du XVIIIe siècle, on en compte généralement moins d'une demi-douzaine. Cela donne environ 1 %des effectifs des troupes canadiennes. L'île Royale, avec une moyenne de quatre déserteurs par année entre 1721 et 1742, arrive légèrement en dessous de ce pourcentage.
Le soldat français serait-il donc plus patriote outre-mer qu'en France ? La chose est possible, mais il est permis d'en douter. Une explication plus plausible serait que la géographie nord-américaine ne favorise guère les projets de désertion, avec ses centaines de kilomètres de forêts ou de bras de mer à traverser avant de trouver refuge quelque part. En plus d'avoir la maréchaussée à ses trousses avec un détachement de soldats ou de miliciens, le déserteur doit traverser les territoires des Amérindiens alliés aux Français, qui souvent se tiennent à l'affût. Ce qui n'a rien de rassurant... Et si, par chance, il parvient à se rendre jusqu'à la Nouvelle-Angleterre, il risque d'y recevoir un accueil assez mitigé de la part de cette société puritaine et protestante où l'on ne parle que l'anglais ou le hollandais. Les perspectives sont donc assez sombres. De fait, plusieurs sont repris : plus de la moitié de ceux qui s'enfuient de l'île Royale.
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