La vie quotidienne en Nouvelle-France

Les soldats

La « Question »

Justice militaire

Légende: Justice militaire

En Nouvelle-France, de 1668 à 1758, une trentaine d'individus, dont quelques soldats, furent soumis à la « Question ordinaire et extraordinaire », comme on appelle le recours à la torture pour obtenir des aveux. Elle consiste généralement à appliquer les brodequins à l'accusé, « déshabillé et sur le siège de la Question » 91. Il arrive que la séance résulte en un acquittement. Ce fut le cas du tambour François Judicth, dit Rencontre, accusé en 1697 de bestialité. Mais, le plus souvent, elle aboutit à la condamnation à mort. Ainsi, le soldat Pierre Viau, dit La Rose, soumis à la Question et ayant avoué son crime, fut exécuté en 1702 pour meurtre. Il fut condamné à être pendu et à avoir la tête tranchée et exposée au bout d'un pieu. Ce qui fut fait. Cependant, le condamné peut faire appel au Conseil supérieur qui est le tribunal suprême de la colonie. Les deux tiers des requêtes présentées à cette instance furent commuées en peines « plus douces » : les condamnés à mort furent simplement fustigés en public et envoyés aux galères pour neuf ans !

L'application de cette sentence est l'occasion d'un cérémonial lugubre qui se déroule en public. Escorté par deux archers de la maréchaussée, le condamné est amené « nud », c'est-à-dire en chemise, aux principaux carrefours de la ville, où il est fouetté pendant qu'il demande pardon à Dieu et au roi. Il porte généralement au cou une affiche indiquant l'offense qu'il a commise et il arrive qu'on le marque au fer rouge d'une fleur de lys. Après quoi on l'incarcère de nouveau en attendant le bateau qui le ramènera en France, où il prendra le chemin des galères de Marseille. Un détachement de soldats est invariablement présent lors de l'exécution de la première partie de la sentence, afin de former un périmètre entre la foule et l'accusé. Si les soldats montrent un peu trop de sympathie envers le militaire condamné, tous les anspessades, caporaux et sergents du détachement courent le risque d'être « cassés de leurs grades » 92.